Depuis mon arrivée au Théâtre du Pélican, je commande des textes à des auteurs/autrices. Je le faisais avant. Je le fais presque depuis le début à l’exception des textes où j’ai travaillé plus étroitement à une dramaturgie liée à l’adaptation d’un roman ou d’une histoire. D’où est parti et s’est creusé ce besoin, cette impérieuse nécessité ? Elle s’est imposée à moi sans discussion, sans hésitation. Je cherchais des mots nouveaux, des situations nouvelles, vivantes et remuantes. Je cherchais, dans les mots des autres, des idées pour remettre la jeunesse en acte, pour lui offrir un écrin d’imaginaire et de poésie ; quelque lieu intouchable, presque sacré.
Depuis toujours, j’ai eu la même admiration pour les auteurs/autrices. Certes, les critères qui définissent un « bon » auteur deviennent plus exigeants mais je reste, néanmoins, toujours aussi curieux. De nouvelles générations d’auteurs/autrices s’implantent et il y a maintenant un éventail d’écrits dramatiques large et intergénérationnel.
La décision de commander des textes et surtout de choisir un.e auteur/autrice, s’est imposée très tôt dans mon parcours. J’ai souhaité très vite travailler avec des jeunes, plus exactement fabriquer quelque chose de théâtral avec cette « matière vivante » que représente la jeunesse. Il y a eu presque tout de suite le travail sur L’Ami retrouvé de Fred Uhlman, texte emblématique et symbolique du comportement juvénile, et à la fois inscrit dans un contexte politique décisif. Ces contrastes étaient une bonne matière dramaturgique. Le succès rencontré par le spectacle et mon travail suivant sur une adaptation de La Cuisine d’Arnold Wesker (cf. Un théâtre & des adolescents Tome 1, op. cit., pages 45-61) ont définitivement ancré mon intérêt pour cette tranche d’âge.
J’ai, à ce moment-là, recherché des textes écrits pour la jeunesse. Il n’y en avait pas beaucoup. À moi donc d’en faire écrire, de créer une suite de rencontres avec des auteurs afin de mettre en valeur des histoires où l’adolescence serait le sujet. Le théâtre nous en avait donné – Iphigénie, Roméo et Juliette, Agnès, Nina…– mais peu s’inscrivaient avec autant de force dans l’écriture contemporaine. L’idée était lancée et les choses se sont fabriquées peu à peu.
Avec les deux précédents exemples où j’ai largement contribué à la construction dramaturgique et comme il y en a eu d’autres par la suite, s’est glissé, peu à peu et en complément, un autre sentiment, sans doute longtemps inconscient : construire une thématique et vouloir la faire écrire par les autres. Par cet accompagnement dirigé, c’était presque prendre la place de l’auteur, accaparer son « métier », profiter de son art d’écrire pour laisser aller mon propre imaginaire afin d’influer sur l’écriture. Je voyais un grand intérêt et une belle envie de travailler avec les auteurs/autrices. L’établissement d’une complicité artistique tout en laissant chacun travailler librement. N’est-ce pas une manière de vouloir écrire un peu, se « faire écrire » au travers des autres ? Presque ! C’est, en tout cas, une possibilité de trouver dans l’écriture d’un autre, cette justesse verbale, sensible, exigeante sur la langue : tout ce dont que je ne me sentais pas encore prêt. C’est comme si j’espérais que l’un.e d’entre eux (elles) écrive exactement ce que je voulais. Certain.e.s s’en sont approché.e.s. D’autres en sont resté.e.s loin.
Mais il n’y a jamais eu de règle pour considérer les uns.e.s ou les autres proches, ou pas, de ce désir « d’écrire le bon texte ». J’ai souvent été surpris des réponses aux questions posées aux auteurs par les thématiques proposées. L’originalité n’a pas tenu au respect de la commande. Comment répondre à une intuition, la matérialiser par l’écrit, lui donner chair ?
En tout cas, c’est une grande nourriture que d’apprendre de l’écriture des auteurs/autrices. De la renvoyer ensuite sur un plateau par le corps et la voix des adolescents. Car donner à voir un imaginaire qui va au-delà de cette langue est nécessairement une part de l’écriture.
Extrait de l’ouvrage Un théâtre et des adolescents – tome 2 (Les années Pélican), de Jean-Claude Gal.
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